Chronique : Les échos mutins -1- La révolte, oui, mais laquelle ?

Chronique : Les échos mutins -1- La révolte, oui, mais laquelle ?

On présente souvent le 21e siècle comme le siècle de l’individualisme, de la fin des grands idéaux et du règne du divertissement. Et pourtant, tout autour de moi, les gens se questionnent, s’insurgent, s’engagent. Les gilets jaunes, Nuit debout, Youth for Climate, Notre-Dame des Landes… Les insurrections existent et témoignent d’un besoin grandissant de changement pour une partie également grandissante de la population.

Au milieu, moi aussi, je m’interroge. Après des années passées à agir sur mes comportements de consommatrice, plusieurs votes à mon actif et des débats passionnés avec tout un tas de gens, j’ai l’impression d’être arrivée au bout d’un processus. Alors que j’essaye chaque jour de ralentir ma consommation, le changement climatique, lui, s’accélère. Alors que je vote écolo et socialo-révolutionnaires, les libéraliste-richocrates sont au pouvoir. Alors que je n’arrête pas d’écouter les gens refaire le monde, en mieux, le monde semble continuer à se faire, en pire.

Alors comment agir ? Comment sortir des discours pour passer à l’action ? Et quel mode d’action choisir ? Pour trouver des réponses à mes questions, je suis partie enquêter auprès de gens qui ont choisi de lutter. J’ai voulu comprendre leur choix, leur ressentis, leur expérience. Et comprendre cette force de combat qui n’a de cesse de se vivre à travers les générations.

À travers ces chroniques, je vous propose des résumés de ces rencontres et des réflexions qui s’en sont suivies. Parce que l’écrit ne rend pas toujours compte de la richesse de ces questionnements, chaque chronique est accompagnée d’une capsule audio reprenant quelques moments de l’entretien.

La politique ; encore une option ?

La question fait sens ; nous vivons dans des sociétés dirigées par des politiques, censés représenter la volonté du peuple. Si nous ne sommes pas satisfaits d’une situation, nous attendons légitimement que nos dirigeants   politiques tiennent compte de notre volonté de citoyens. Lorsque nous ne nous retrouvons pas dans les personnes élues ou les candidats, envisager de se présenter pour défendre nos idées et représenter le groupe de citoyens dans lequel on s’inscrit pourrait être une option. Pourtant, on est nombreux à ne pas se reconnaître dans ce milieu politique de riches hommes blancs, qui font les lois autour d’un bourbon en se tapant sur l’épaule (ceci est une représentation fidèle de la réalité, ndlr).

C’était également l’image que Sarah Turine (ex échevine de la cohésion sociale de Molenbeek et ex co-présidente du partis écolo) avait de le la politique avant de s’engager ; elle aussi avait l’image du vieil homme politique blanc, dans laquelle elle ne se reconnaissait pas. En arrivant à Molenbeek, elle a réalisé que, pour construire un milieu politique plus représentatif de la population, elle aussi pouvait s’engager. Je suis allée à sa rencontre pour discuter avec elle du rôle que peut prendre le politique dans la lutte pour un monde plus égalitaire.

Après plus de dix ans de travail, le bilan qu’elle tire de son action en politique reste mitigé “Avec du recul, je pense qu’il y a des choses qui ont pu bouger grâce à l’action qu’on a menée à une toute petite échelle (…) Mais on a un tel retard à rattraper , les petites gouttes qu’on a mises sont minimes par rapport aux enjeux”. “Là, ma crainte, c’est qu’ils remettent en place ce qu’on a essayé de défaire. Donc forcément, je me dis, est-ce que ça a servi à quelque chose… ?”
Pour autant, elle ne remet pas en cause l’importance de l’engagement politique et la pertinence de vouloir y prendre part : “L’impact que j’ai eu n’est plus seulement sur l’action, mais aussi dans le rapport des gens à la politiques ; dire “engagez-vous ; ils y a de la place pour vous”. Ça crée des émules, il faut qu’on soit plus et il faut du renouvellement, tout le temps ; il faut pas laisser la place à ceux qui sont là depuis vingt ans, trente ans, quarante ans et qui donnent cette image d’une politique passéiste.

Et c’est ce que je retiens de cette rencontre avec Sarah : l’importance de ne pas abandonner le politique aux mains d’une seule et même classe sociale, peu souvent représentative de la majorité. Même si, de l’intérieur, il est parfois difficile de mesurer l’impact concret de nos actions face aux multiples contraintes induites par le système dans lequel on s’inscrit. Il n’empêche, la politique doit rester le lieu d’une expression multiple et citoyenne. Et pour ça, il faut que les gens s’y intéressent, et s’y impliquent.