Chronique : Les échos mutins -3-  La révolte, oui, mais laquelle ?

Chronique : Les échos mutins -3- La révolte, oui, mais laquelle ?

La désobéissance civile sous l’angle de la non-violence.

La désobéissance civile, c’est faire le choix d’une action illégale ou à la limite de la légalité, pour faire avancer une cause. Créer un buzz médiatique grâce à des images glanées illégalement, dénoncer un problème par une occupation de l’espace public, mettre la pression au politique en bloquant des routes ou un chantier… Parfois, ça peut permettre de ralentir une projet le temps qu’une action légale aboutisse, ; ou avoir une portée de sensibilisation, pour informer les citoyens et les pouvoirs publics d’une situation préoccupante.

En pratique, c’est aussi, parfois, se mettre en danger. Les activistes touchés par les violences policières sont nombreux. Traumatismes, blessure, décès parfois ; ou poursuites judiciaires… ; la désobéissance civile peut s’avérer risquée.

Pour comprendre ce qui peuouvait pousser certaines personnes à choisir ce mode d’action, je suis allée à la rencontre de H et F, qui militent sur la Zad de Haren depuis quelques mois.

Pour H, c’est une prise de conscience du dysfonctionnement de la société dans laquelle ielle vit qui l’a poussé.e à s’investir sur la ZAD : “ Personnellement, ça vient d’une prise de conscience que la société dans laquelle je vis, et dans laquelle j’ai toujours vécu, ben en fait, elle va pas. Du coup, j’ai eu envie d’agir concrètement. Et y’ a ça qui se passe à côté de chez moi : pourquoi pas y aller, pourquoi pas m’impliquer là- dedans plutôt que de me dire que quelqu’un d’autre va s’en occuper ? ”

La rencontre avec d’autres est aussi un facteur qui pousse à l’engagement : “ Ce truc aussi de se rendre compte qu’on a une capacité d’agir en fait, ça m’est venu via d’autres mouvements ou un tel te demande de l’aide, et tu te retrouves parmi plein d’activistes qui luttent, et tu te rends compte que ça grouille et que t’es pas tout.e seul.e à être fâché.e et à vouloir faire bouger des personnes et des choses. Et c’est trop bien. Et je pense vraiment que je ne saurai plus m’en passer, que y’a un truc qui s’est inscrit. J’ai un truc à extirper. Le pouvoir potentiel qu’on a, je veux pouvoir l’utiliser, et montrer que c’est possible de l’utiliser.”

Ce que je retiens de cette discussion avec F et H, c’est l’impossibilité de ne pas agir. “ C’est vraiment hyper important de mettre une résistance. Même si tu perds. Tu mets de la résistance là où tu peux, là où tu veux, là où tu y crois ”.

Peut-être que la question de l’impact des actions que l’on mène, autant que celle de la lutte que l’on choisit, n’est finalement pas si centrale. Peut-être que ce qui compte, c’est de résister.

“ C’est une question difficile à se poser, et qui je pense peut être assez toxique aussi. Toujours se demander « Eest-ce que ce que j’ai passé trois mois à me fatiguer à essayer de faire sert a quelque chose ou pas ? », ça peut être vite décourageant. Surtout quand tu t’attaques à des trucs qui sont vraiment institutionnalisés comme ça, qui ont une forte inertie, c’est super dur de faire changer les choses. Même quand c’est des mouvements massifs, je pense à tout le mouvement pour le climat par exemple, y ‘a plein de gens qui sortent dans la rue, qui vont crier que ça va pas, et au final on voit qu’il se passe pas grand- chose non plus. C’est toujours compliqué, mais pour moi ça reste important de le faire.”

Utiliser son pouvoir de résistance contre les institutions, et contre un société qui ne nous représente pas, ou pas tout à fait. Incarner le sentiment de révolte qui gronde dans une cause qui nous paraît juste. Ne pas accepter passivement ce qui nous est assignéimposé, mais, au contraire, questionner, remettre en cause, imaginer d’autres choses.

Les motifs de luttes sont trop nombreux, et on ne peutx pas lutter contre tout en même temps. La lutte prend énormément de temps et d’énergie. Mais rester dans la remise en question, et s’engager dans un combat que l’on mène avec force, c’est aussi rester un individu, qui existe et qui pense librement dans un société instituée. C’est remettre en cause les pleins pouvoirs de l’État et des institutions. C’est réaffirmer un pouvoir du groupe, du peuple, face à l’autorité ; réaffirmer une capacité d’agir.